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Les CPH d’Amiens et de Lyon retiennent à leur tour l’inconventionnalité du barème des indemnités de licenciement


Le conseil de prud’hommes d’Amiens écarte le 19 décembre 2018, une semaine après Troyes, le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail qui plafonne les indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il accorde 2 000 euros de dommages-intérêts à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, au motif que l’indemnité prévue "ne peut être considérée comme étant appropriée" au sens de la convention 158 de l’OIT. Le CPH de Lyon juge dans le même sens le 21 décembre 2018, en s’appuyant sur la charte sociale européenne.

Le conseil de prud’hommes de Troyes a jugé le 13 décembre 2018 que le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail, qui plafonne les indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, était contraire à la charte sociale européenne et à la convention 158 de l’OIT. Le 19 décembre 2018, c’est au tour du conseil de prud’hommes d’Amiens de retenir l’inconventionnalité du barème, en se fondant uniquement sur la convention 158 de l’OIT. Le conseil de prud’hommes de Lyon écarte lui aussi le barème le 21 décembre 2018, dans une motivation plus succincte fondée sur la charte sociale européenne.

Le CPH du Mans a, au contraire, jugé le 26 septembre 2018 que le barème était conforme à la convention 158 de l’OIT.

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, instaure un barème impératif plafonnant les indemnités dues au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Variant selon l’ancienneté et la taille de l’entreprise, il est au maximum de 20 mois de salaire.

Dans l’affaire tranchée par le CPH d’Amiens, un salarié engagé le 1er juin 2017 par une société gérant un supermarché est licencié pour faute grave en février 2018. Il conteste avec succès son licenciement devant le conseil de prud’hommes, les magistrats jugeant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l’indemnisation du licenciement, le salarié soutient que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de sa non-conformité aux engagements internationaux de la France. Le conseil de prud’hommes lui donne raison. Les magistrats relèvent que, "dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié subit irrémédiablement un dommage", qui est "d’ordre psychique, mais également d’un ordre financier". En effet, le salarié subit "une baisse importante de ses revenus, car l’indemnité accordée" par Pôle Emploi ne maintient pas "le revenu au niveau antérieur".

Or l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT prévoit que si les juges constatent "que le licenciement est injustifié", et si "compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler et/ou d’ordonner la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée".

Le CPH énonce que ces dispositions, ainsi que "la jurisprudence établie en matière d’application" de la Convention 158, "permettent aux juges nationaux de déterminer si les dommages attribués par la législation nationale sont appropriés en matière de réparation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse". Tel n’est pas le cas en l’espèce, selon les magistrats du conseil de prud’hommes d’Amiens.

De ce fait, "il y a lieu pour le conseil de rétablir la mise en place d’une indemnité appropriée réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse" du salarié. Le CPH condamne la société à verser au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans l’affaire tranchée par le CPH de Lyon, une salariée est employée par l’Unapei du Rhône via de nombreux CDD de durée variable, allant de quelques heures à quelques jours. Elle saisit le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de ses CDD, qu’elle estime irréguliers, en CDI. Le CPH juge une partie des demandes prescrites. Il retient la régularité de tous les CDD restants à l’exception du contrat d’une journée du 28 octobre 2017. Il requalifie ce CDD en CDI, et juge que la rupture de ce contrat est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l’indemnisation, le conseil de prud’hommes énonce que "l’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice". Il vise l’article 24 de la Charte sociale européenne selon lequel "en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître" le "droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée".

Or en l’espèce, constate le CPH, "le 28 octobre 2017, la relation de travail" a "cessé du jour au lendemain, sans application des règles relatives au contrat de travail à durée indéterminée". Aucun "fait n’a été reproché" à la salariée, la "multiplicité des contrats de travail à durée déterminée" démontrant "au contraire la satisfaction de son employeur".

Il "en résulte" selon le CPH que "les manquements de l’Association" dans "l’exécution du dernier contrat de travail" de la salariée "sont préjudiciables puisqu’elle n’a pas pu bénéficier de l’entretien préalable et de la période de préavis". En conséquence, le conseil de prud’hommes lui accorde "trois mois de dommages et intérêts à ce titre".

Les affaires devront être rejugées par les Cour d'Appel territorialement compétente, puis la Cour de Cassation. A suivre... mais l'insécurité juridique est actuellement réelle sur cette question.

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