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Pertinence du PSE : une société détenant le capital peut-elle être considérée comme l’entreprise dominante du groupe ?

La pertinence d’un PSE au regard des moyens du groupe doit s’apprécier compte tenu des moyens de l’ensemble des entreprises unies, au sens du code de commerce, par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante. La Cour de cassation analyse dans un arrêt du 20 mars 2019 cette notion de contrôle, en prenant en compte les droits de vote aux assemblées générales et le contenu des pactes d’associés, pour vérifier si une société détenant le capital doit être considérée comme entreprise dominante d’un groupe.

Lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, la pertinence du PSE être appréciée en fonction des moyens financiers de l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante, au sens du comité de groupe défini à l’article L. 2331-1 du code du travail. Cet article du code du travail renvoie aux articles L. 233-1, L. 233-3 et L. 233-16 du code de commerce et à une définition capitalistique. La Cour de cassation examine le 20 mars 2019 cette notion de contrôle et d’influence d’une société dominante:

Notons que la définition du groupe pour l’obligation de reclassement, issue des ordonnances du 20 décembre 2017, intègre désormais la notion d’entreprise dominante (C. trav., art. L. 1233-4). Elle privilégiait auparavant les possibilités de permutation du personnel.

Dans cette affaire, des salariés licenciés pour motif économique saisissent la justice pour faire juger notamment que le PSE était insuffisant au regard des moyens du groupe, et que l’employeur n’a pas rempli son obligation de reclassement. L’architecture du groupe auquel ils appartiennent est complexe : une société A gère un fonds commun de placement à risque B, qui à son tour détient 85 % du capital de la société C, laquelle détient la totalité des parts de la maison mère de l’employeur.

Les salariés considèrent que les moyens de la société A devaient être pris en compte pour apprécier la validité du PSE. Ils invoquent les articles précités du code de commerce, ainsi que l’article L. 233-4, selon lequel "toute participation au capital même inférieure à 10 % détenue par une société contrôlée est considérée comme détenue indirectement par la société qui contrôle cette société". Or le fonds commun de placement détenait 85 % de la maison mère.

Droits de vote et pacte d’actionnaires

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, écarte leurs arguments. Les hauts magistrats relèvent en premier lieu que, selon les constatations de la cour d’appel, "il n’était pas établi que la société de gestion" A "détenait directement ou indirectement une fraction du capital de la société" "lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales". La cour d’appel "en a exactement déduit qu’elle ne pouvait être considérée comme contrôlant" la société où le PSE avait été mis en œuvre.

Les magistrats de la chambre sociale constatent en second lieu que la cour d’appel "a seulement relevé l’existence de liens de contrôle et de surveillance entre les sociétés" C et A. Elle "n’a pas constaté que le pacte d’associés définissant les droits et obligations respectifs" de la société C "et de ses divers actionnaires, dont le fonds commun de placement à risque géré par la société" A, "conférait à cette dernière le droit d’exercer une influence dominante sur la société" C.

Dès lors qu’il n’est pas démontré que la société gestionnaire du fonds commun de placement exerce "le contrôle ou l’influence" sur le groupe, le PSE ne peut être jugé insuffisant du seul fait qu’elle n’y a pas contribué.

Pas de groupe pour le reclassement

Les hauts magistrats écartent en outre les arguments des salariés relatifs au manquement à l’obligation de reclassement. Ils relèvent que "la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder pour le surplus à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a fait ressortir qu’il n’était pas démontré par les pièces soumises à son appréciation l’existence de possibilités de permutation de tout ou partie du personnel" entre la société gestionnaire du fonds commun de placement "et les entreprises dans lesquelles" ses fonds étaient investis. Il en résulte "que ces sociétés ne faisaient pas partie d’un même groupe au sein duquel le reclassement devait s’effectuer.

 

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Les CPH d’Amiens et de Lyon retiennent à leur tour l’inconventionnalité du barème des indemnités de licenciement


Le conseil de prud’hommes d’Amiens écarte le 19 décembre 2018, une semaine après Troyes, le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail qui plafonne les indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il accorde 2 000 euros de dommages-intérêts à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, au motif que l’indemnité prévue "ne peut être considérée comme étant appropriée" au sens de la convention 158 de l’OIT. Le CPH de Lyon juge dans le même sens le 21 décembre 2018, en s’appuyant sur la charte sociale européenne.

Le conseil de prud’hommes de Troyes a jugé le 13 décembre 2018 que le barème fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail, qui plafonne les indemnités dues au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, était contraire à la charte sociale européenne et à la convention 158 de l’OIT. Le 19 décembre 2018, c’est au tour du conseil de prud’hommes d’Amiens de retenir l’inconventionnalité du barème, en se fondant uniquement sur la convention 158 de l’OIT. Le conseil de prud’hommes de Lyon écarte lui aussi le barème le 21 décembre 2018, dans une motivation plus succincte fondée sur la charte sociale européenne.

Le CPH du Mans a, au contraire, jugé le 26 septembre 2018 que le barème était conforme à la convention 158 de l’OIT.

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, instaure un barème impératif plafonnant les indemnités dues au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Variant selon l’ancienneté et la taille de l’entreprise, il est au maximum de 20 mois de salaire.

Dans l’affaire tranchée par le CPH d’Amiens, un salarié engagé le 1er juin 2017 par une société gérant un supermarché est licencié pour faute grave en février 2018. Il conteste avec succès son licenciement devant le conseil de prud’hommes, les magistrats jugeant son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l’indemnisation du licenciement, le salarié soutient que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté en raison de sa non-conformité aux engagements internationaux de la France. Le conseil de prud’hommes lui donne raison. Les magistrats relèvent que, "dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié subit irrémédiablement un dommage", qui est "d’ordre psychique, mais également d’un ordre financier". En effet, le salarié subit "une baisse importante de ses revenus, car l’indemnité accordée" par Pôle Emploi ne maintient pas "le revenu au niveau antérieur".

Or l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT prévoit que si les juges constatent "que le licenciement est injustifié", et si "compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler et/ou d’ordonner la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée".

Le CPH énonce que ces dispositions, ainsi que "la jurisprudence établie en matière d’application" de la Convention 158, "permettent aux juges nationaux de déterminer si les dommages attribués par la législation nationale sont appropriés en matière de réparation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse". Tel n’est pas le cas en l’espèce, selon les magistrats du conseil de prud’hommes d’Amiens.

De ce fait, "il y a lieu pour le conseil de rétablir la mise en place d’une indemnité appropriée réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse" du salarié. Le CPH condamne la société à verser au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans l’affaire tranchée par le CPH de Lyon, une salariée est employée par l’Unapei du Rhône via de nombreux CDD de durée variable, allant de quelques heures à quelques jours. Elle saisit le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de ses CDD, qu’elle estime irréguliers, en CDI. Le CPH juge une partie des demandes prescrites. Il retient la régularité de tous les CDD restants à l’exception du contrat d’une journée du 28 octobre 2017. Il requalifie ce CDD en CDI, et juge que la rupture de ce contrat est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l’indemnisation, le conseil de prud’hommes énonce que "l’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice". Il vise l’article 24 de la Charte sociale européenne selon lequel "en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître" le "droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée".

Or en l’espèce, constate le CPH, "le 28 octobre 2017, la relation de travail" a "cessé du jour au lendemain, sans application des règles relatives au contrat de travail à durée indéterminée". Aucun "fait n’a été reproché" à la salariée, la "multiplicité des contrats de travail à durée déterminée" démontrant "au contraire la satisfaction de son employeur".

Il "en résulte" selon le CPH que "les manquements de l’Association" dans "l’exécution du dernier contrat de travail" de la salariée "sont préjudiciables puisqu’elle n’a pas pu bénéficier de l’entretien préalable et de la période de préavis". En conséquence, le conseil de prud’hommes lui accorde "trois mois de dommages et intérêts à ce titre".

Les affaires devront être rejugées par les Cour d'Appel territorialement compétente, puis la Cour de Cassation. A suivre... mais l'insécurité juridique est actuellement réelle sur cette question.

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L’employeur qui promet un emploi sans préciser la rémunération, ni la date d’embauche peut se rétracter

Le 21 septembre 2017, la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence sur la promesse d’embauche pour distinguer désormais l'offre de contrat de travail et la promesse unilatérale de contrat de travail (cass. soc. 21 septembre 2017, n° 16-20103  ; cass. soc. 21 septembre 2017, n° 16-20104 ).

Dans les deux cas, l’employeur émet une proposition indiquant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction. La différence réside dans la force de l’engagement de l’employeur.

Dans une promesse unilatérale de contrat de travail, l’employeur propose au candidat d’accepter le contrat de travail dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont définitivement déterminés. Cette proposition, où le salarié n’a plus qu’à donner son accord, vaut contrat de travail, même pendant le temps laissé au bénéficiaire pour l’accepter. L’employeur qui finalement décide de ne pas donner suite peut se voir condamné pour rupture abusive du contrat de travail.

Une offre de contrat de travail ne vaut pas contrat de travail. L’employeur propose au candidat un engagement, où il précise l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction. Il indique sa volonté d’être lié par un contrat de travail si le salarié accepte ces éléments mais conserve la possibilité de retirer son offre avant l’expiration du délai qu'il a fixé au candidat pour manifester sa volonté ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Il engage sa responsabilité extra-contractuelle s’il a commis un abus, ce qui l’expose à devoir payer des dommages et intérêts.

Mais une promesse imprécise d’emploi n’engage pas l’employeur. - Dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 28 novembre 2018, le plaignant avait reçu de l’employeur deux courriers successifs où il était indiqué son intention de l’employer à sa sortie d’incarcération, en tant que livreur dans le cadre d’un CDI à temps plein. Ces courriers ne précisaient que l’emploi proposé et les horaires de travail. La rémunération et la date d’entrée en fonction n’étaient pas indiquées.

Le candidat, qui finalement n’avait pas été embauché, réclamait des dommages-intérêts pour rupture abusive d’une promesse d’embauche. Il avait obtenu 2 000 € de dommages-intérêts devant les juges du fond.

Leur décision est cassée par la Cour de cassation. Celle-ci considère que la proposition de l’employeur, qui ne précisait pas la rémunération, ni la date d’embauche, ne constituait ni une offre de contrat de travail, ni une promesse unilatérale de contrat de travail. La demande du salarié est définitivement rejetée.

En clair, seule une proposition qui mentionne l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction peut être considérée comme une offre de contrat de travail ou une promesse unilatérale de contrat de travail, selon le niveau d’engagement précisé par l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 novembre 2018, 17-20.782)

 

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Impossible de licencier un salarié pour un vol découvert au moyen d’une vidéosurveillance illicite

La surveillance des salariés et le contrôle de leur activité est un droit de l'employeur inhérent à son pouvoir de direction. Mais ce contrôle doit s'effectuer dans des conditions respectant les droits de la personne et les libertés individuelles et collectives des salariés, en particulier le droit au respect de leur vie privée, dont ils bénéficient même au temps et au lieu de travail. Conformément au principe posé par l‘article L 1121-1 du Code du travail, un dispositif de contrôle ne doit donc pas apporter à ces droits et libertés une restriction non justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. S’il souhaite mettre en place un système de vidéosurveillance sur le lieu de travail, l’employeur doit auparavant consulter le comité social et économique ou le comité d’entreprise (C. trav. art. L 2312-38, al. 3 et L 2323-47 al. 3 ancien), et informer les salariés de la mise en œuvre d’un tel dispositif.

En tout état de cause, tout enregistrement, quels qu'en soient les motifs, d'images ou de paroles opéré à l’insu des salariés constitue un mode de preuve illicite (Cass. soc. 20-11-1991 n° 88-43.120 PF ; Cass. soc. 10-1-2012 n° 10-23.482 FS-PB).

Récemment, la Cour européenne des droits de l’Homme a déclaré que la décision de juges, espagnols, d’admettre comme éléments de preuve de vols commis par des caissières dans un supermarché les enregistrements issus de caméras de surveillance installées par l'employeur à leur insu, constitue une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme relatif au droit au respect de la vie privée (CEDH 9-1-2018 n° 1874/13).

En accord avec la Cour de Strasbourg, la Cour de cassation, approuve, dans un arrêt du 20 septembre 2018, la décision d’une cour d’appel dans une affaire de licenciement motivé par des faits de vol découverts au moyen d’une vidéosurveillance dont les salariés n’étaient pas informés. En l'espèce, l’employeur se prévalait comme élément de preuve des propos tenus par la salariée lors de son audition par les services de gendarmerie. Or, cette audition était consécutive à une plainte de l’employeur fondée sur l’exploitation des images de vidéosurveillance. Les éléments recueillis lors de cette audition, illicites pour ainsi dire par ricochet, ne pouvaient dès lors pas être retenus comme preuve des faits de vol invoqués dans la lettre de licenciement.

 

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Salaire payable sur 13 mois et prime de treizième mois ne se confondent pas

Un salarié dont le contrat de travail fixe un salaire annuel payable sur 13 mois demande le paiement de la prime de treizième mois prévue par un accord d’entreprise en vigueur au sein de la société qui l’emploie. Selon lui, le treizième mois contractuel et la gratification conventionnelle ne doivent pas être confondus.

La demande est rejetée. Pour la cour d’appel, les deux avantages, contractuel et conventionnel, ont le même objet et ne peuvent pas se cumuler. Elle considère en effet que la clause du contrat de travail prévoyant le paiement en 13 fois du salaire annuel a en fait pour objet d'allouer un treizième mois de salaire ne correspondant pas à la contrepartie d'un travail et s'analysant donc en une gratification accordée au salarié.

Le raisonnement des juges du fond est censuré par la Cour de cassation. Celle-ci décide que le paiement en 13 fois du salaire constitue une modalité de règlement, de sorte que le treizième mois de salaire ne peut pas constituer la gratification dite « de treizième mois » prévue par l'accord d'entreprise. Elle s’inscrit ainsi dans la lignée de sa jurisprudence sur ce point (Cass. soc. 19-12-1990 n° 88-41.075 P : RJS 2/91 n° 184 ; Cass. soc. 13-6-2012 n° 10-27.395 FS-PB : RJS 8-9/12 n° 726).

A noter : Lorsque, comme en l’espèce, le contrat de travail stipule un salaire annuel égal à 13 fois le salaire mensuel, le treizième mois qui se trouve ainsi incorporé au salaire de base est de plein droit acquis prorata temporis par le salarié (Cass. soc. 19-3-1985 n° 83-41.820 S ; Cass. soc. 19-12-1990 précité).

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